Le lundi 11 octobre 2021 restera certainement comme une journée mémorable de l’histoire de la Tunisie contemporaine, comme le 25 juillet 2021, non seulement par l’investiture (le mot peut paraître impropre, cependant il est utilisé ici à bon escient) du nouveau gouvernement, mais aussi par un acte d’une haute signification et d’une symbolique particulière dans la stratégie politique envisagée par le Président de la République, Kaïs Saïed. C’est le commentaire, photos à l’appui, dans l’allocution présidentielle portant sur l’ARP et ses déboires.
Concernant le nouveau gouvernement, on se contenterait de lui accorder un préjugé favorable sur la base surtout de plusieurs éléments tenant à l’indépendance et à la propreté apparentes de ses membres et soulignées par plusieurs témoins, sur la base aussi d’un courage et d’un engagement manifestes se traduisant au moins par l’acceptation de responsabilités très lourdes dans des conditions très peu favorables. En tout cas, l’allocution de la présidente du Gouvernement (qu’il paraît possible de doter de ce titre, malgré la nature franchement présidentielle de la gouvernance de l’exception transitionnelle) s’inscrit explicitement dans les principales attentes populaires et, le soutien citoyen aidant, il est possible d’espère un redressement de la situation par ce nouveau gouvernement, sous la tutelle du premier responsable, le Président de la République.
D’aucuns contesteraient le terme ici employé d’investiture, au moins pour non intervention du parlement dans la validation du gouvernement. Or la réponse nous paraît inhérente à l’allocution présidentielle où il est explicitement précisé (ou presque) qu’il y aura un parlement, mais non celui qu’on avait jusqu’au 25 juillet 2021.
Ce message nous a semblé lisible dans le commentaire du Président faisant état de comportements « honteux » du parlement gelé, détourné de tout ce qui concerne les citoyens qu’il est censé représenter, pour des intérêts personnels ou des manigances conflictuelles. Le grand désastre étant perceptible au sang qui a coulé dans le parlement sans qu’aucune décision idoine soit prise en conséquence. Mais le plus intéressant à relever, c’est sans doute le défilement, dans les mains du président et suivi par la caméra, de photos illustrant les propos du locuteur et donnant une idée de « l’horreur » des scènes de violence rappelées ayant eu lieu en pleines réunions de l’ARP. Certes, ce défilement d’images aurait une portée argumentative qui pourrait même rejoindre les propos d’après sur le comportement scandaleux d’un ex-président, tenant à la présidence par un fil quasi-fictif, qui avait appelé les amis de la Tunisie à intervenir dans son pays pour lui arranger un pouvoir à sa convenance.
Mais ce défilement iconique nous semble signifier, dans l’esprit du Président, que l’ARP relèvera désormais du passé révolu, trouvant certes sa place dans un musée en tant qu’objet d’archives, mais nullement en tant qu’institution vivante et active dans le temps présent. Ce serait donc comme une exposition préalable à la fixation de ces images dans le musée, pour l’enseignement des citoyens ; elle leur dirait qu’il faut bien se garder d’élire n’importe qui dans une institution représentative, au nom de la démocratie, sans quoi celle-ci serait plus grave et plus préjudiciable pour ses intérêts qu’une dictature, effective ou considérée comme telle.
Message reçu, Monsieur le Président ; mais nous attendons l’issue de l’état d’exception, avec une vraie démocratie qui n’aurait rien à voir avec la dictature ni avec une démocratie déformée soit par mauvaise représentativité, soit par trop de populisme conduisant à l’anarchie.