Il m’a été donné, ces derniers mois, de participer à des manifestations, ou d’y travailler, sur des personnalités du passé ayant des valeurs symboliques à même d’enrichir la réflexion collective sur l’importance d’une articulation de la pensée prospective à la richesse patrimoniale et à la façon d’en tirer des enseignements inspirateurs. Les dernières en date sont celles se rapportant à deux personnalités fondatrices, à des degrés divers et à des niveaux variés, de l’édifice de l’État tunisien, libre et indépendant, moderne et définitivement inscrit dans la logique du progrès. Je parle ici, en raison de ma proximité ou de mon implication dans les événements y afférents, du Président Habib Bourguiba et de l’homme de culture Tahar Chériaa, dont l’œuvre et le souvenir demeureront indélébiles, contre vents et marées, à côté d’autres patriotes d’importance équivalente, partout dans notre pays et à différentes étapes de notre histoire, surtout que l’évocation ou la commémoration de chaque personnalité du genre réactive inéluctablement le souvenir des nombreuses autres personnalités ayant un rapport ou un autre à celle prise comme objet de réflexion.
J’ai évoqué le Leader Habib Bourguiba en raison de tentatives rétrogrades et rancunières d’en réduire la dimension, voire même d’en effacer l’image et de se retourner contre ses réalisations historiques, pendant une brève et folle étape de ces années dites « noires », survenues en 2011. Redisons-le, encore : il n’y a nulle intention, dans ce qui se fait pour réactiver la mémoire à ce propos, de cultiver le culte personnel d’une figure ou d’une autre ; il s’agit plutôt de toujours oeuvrer dans la logique du développement de notre pensée citoyenne en rapport à l’intérêt de notre pays et de notre société, sans rupture ni rejet du reste de l’humanité.
Nous aurons à revenir au sujet du « Père de la Tunisie moderne » à l’occasion du colloque international, qui se prépare à son propos sous le titre « Habib Bourguiba, mémoire d’avenir », pour les 8, 9 et 10 novembre 2023 entre Sousse et Monastir, à l’initiative de l’Université de Sousse et de l’Université de Rouen. Je commenterais donc, ici, la dernière manifestation, initiée par l’Association pour la Culture et les Arts Méditerranéens (ACAM), sous le titre générique « Journées Tahar Chériaa pour l’Image et le Livre » (JIL-T@C) et ayant pour sous-titre de sa seconde édition « Les JCC, un projet plus grand que le Cinéma », du 26 au 30 avril 2023 entre trois villes : Sayada, Moknine et Monastir (ordre chronologique des activités programmées). Je ne le fais pas dans l’esprit d’un reportage ou d’une quelconque propagande, mais pour souligner ce qui m’a paru intéressant à relever en ce moment précis de notre histoire où plusieurs questions semblent être davantage des sources de conflit et de divergence que des arguments pour le couvrement de notre cohésion nationale et de notre inscription dans la juste et raisonnable logique de l’Histoire. Sans nous priver évidemment de notre liberté de pensée dans l’esprit des différences constructives.
Importante me paraît l’intention sincère de revaloriser les acquis du passé dans le projet d’une réforme de la gestion de notre pays, tous secteurs confondus. Cette intention est de plus en plus soulignée au plus haut niveau de la hiérarchie de l’État, mais aussi à d’autres niveaux partiels. C’est ce qui a été concrétisé, concernant Tahar Chériaa, par la décision de numériser, de sauvegarder, d’enrichir et d’exploiter une bonne partie de son patrimoine, restée plus de douze ans dans un état déplorable mettant en danger une entreprise sincère de sa conservation et de sa mise en valeur. Cela est d’autant plus réconfortant que cette décision s’est accompagnée d’une promesse ferme d’exécuter une décision municipale symbolique, restée en latence pendant plus d’une décennie, celle de donner le nom de Tahar Chériaa à la bibliothèque publique de sa ville natale, celle où il repose aussi, la ville de Sayada.
L’autre volet, tout aussi important, concerne le projet même de travail sur ce patrimoine pour en étudier les tenants, les aboutissants et les horizons d’attente dans une Tunisie qui retrouverait, de façon engagée, la dynamique de son auto-construction sur la base de ses fondements inaliénables, mais aussi en rapport d’indépendance et d’intelligence conversationnelle avec son environnement régional ou international. De ce point de vue, de l’avis de tous les intervenants dans le colloque de la manifestation en question, l’expérience de Tahar Chériaa est édifiante et riche de repères lumineux à même d’éclairer ce qu’il a été convenu d’appeler une « mémoire d’avenir ».
Le mot de la fin consisterait donc en ceci qu’il est toujours bénéfique de se pencher sur notre patrimoine, sur ses figures et sur ses richesses représentatives, car cela consolide notre ancrage national avec une intelligente inscription de notre parcours dans une meilleure éthique du vivre-ensemble international.
Publié aussi par jawharafm.net