Un périple académique et culturel m’a conduit à Paris et au Maroc (Fès et Mohammedia), à partir de ma Tunisie et vers elle, et m’a permis de plonger profondément dans des interrogations liées à cette articulation persistante entre le scientifique, le culturel et l’associatif. En effet, j’ai la ferme conviction que ces derniers constituent les trois sommets cuisants du triangle de l’action citoyenne et je ne cesserai d’œuvrer à servir au mieux cette forme d’engagement désormais la mienne plus que toute autre.
Aujourd’hui je m’attarde un peu au problème de la poésie en société, à partir de deux rencontres qui m’ont semblé valoir la peine qu’on y pense et qu’on en converse. La première est une rencontre régulière autour de la poésie dans une petite salle aménagée dans un café nommé « Café de Paris », au 11° arrondissement. Réunissant des poètes et des poétesses volontaires, de tous âges et de tous genres, dans une convivialité et une sympathie naturelles, cette activité pilotée par la poétesse Geneviève Guevara, a donné l’occasion de discuter de son œuvre avec le public et de lire des extraits de sa poésie, à la Tunisienne Faouzia Dhifallah ; elle a ajouté aussi un argument, s’il en faut, à la célèbre assertion d’Isidore Ducasse, alias comte de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous ». Ainsi, cette association d’un café public à une activité régulière de poésie est de nature à nous interpeller sur le besoin de revoir notre action culturelle pour lui ouvrir de nouvelles voies vers l’appréciation et de nouvelles voix de l’expression.
La seconde consiste en une dynamique culturelle de la société civile et l’espace universitaire, concrétisée par la coopération et le partenariat au profit d’interrogations variées autour de la poésie, à la fois dans son rapport à l’écriture et à la création artistique en général, ainsi qu’à son interaction à la société et à son mouvement d’évolution. C’est ainsi que la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’EUROMED-Fès (Maroc) s’est penchée sur la question des interculturalités méditerranéennes dans un colloque du 24 mai 2024 auquel elle choisi un Tunisien comme invité d’honneur et auteur de la conférence d’ouverture. Mais au-delà de la profondeur des analyses menées en trois langues (français, espagnol et anglais), on n’est pas insensible à la quantité d’expositions d’œuvres plastiques couvrant presque tous les murs intérieurs de l’établissement, tous produits par les étudiants, en activités parallèles à leurs formations dans les différentes filières de l’Université. C’est ainsi aussi que la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Saïs-Fès a rendu hommage à un de ses importants poètes, Mohamed Al-Ach’ari, et a invité des chercheurs spécialistes à interroger la dialectique de poétique et du narratif dans son œuvre de création, le temps d’une demi-journée. Trois autres demi-journées ont été conscrée à l’examen du rapport entre la poésie et le récit. Là aussi une exposition de deux peintres a meublé l’espace, ainsi qu’une conférence, deux jours plus tard, donnée par le même invité tunisien de l’UROMED, sur le rapport entre « Méditerranéité et Nouvelle Brachylogie », deux concepts dont il est le principal promoteur, sinon l’initiateur.
Le besoin d’évoquer ces activités académiques et culturelles est mû par le sentiment qu’une lourde responsabilité incombe aux intellectuels et à tous les citoyens, la main dans la main, pour aider à sauver l’avenir des dérapages possibles en cours de la course pour le progrès. En Tunisie aussi, comme en France ou au Maroc, ici cités, mais aussi d’autres pays, ces types d’activités académiques et culturelles continuent au prix de plusieurs sacrifices consentis par des personnes et par des composantes de la société civile, surtout les associations académiques et culturelles. Pais, rappelons-le pour insister, les associations peinent à réussir leurs programmes et à réaliser leurs objectifs en raison de contraintes dont les intentions sont peut-être bonnes, mais dont l’impact peut être néfaste si on ne rationalise pas leur mise en application.
Continuons au moins d’en parler, jusqu’à nous entendre sur la stratégie idoine pour sauver l’éthique et la pratique de l’action culturelle et scientifique des associations.
(Publié aussi sur jawharafm.net)