Au milieu du siècle dernier, l’Indépendance chèrement acquise avait engagé le futur du pays sur la voie d’une rationalité réformiste forte d’une synthèse de la pensée de nos Lumières, et enrichie de son interaction avec les Lumières universelles. Mais l’opportunisme politique et l’individualisme égocentrique ont détourné le parcours et ont fini par implanter l’islam politique, contre la gauche « progressiste », pour finir à la fin dans la répression des uns et des autres, à des degrés variés, en fonction des marchés souterrains.
Puis vint Ben Ali, par tous les moyens dont il a pu disposer, des moyens qui, ce jour-là, étaient populairement jugés salutaires et qui sont jugés aujourd’hui comme criminels et contraires à l’intérêt du peuple. N’empêche qu’une lueur d’espoir avait brillé alors quant aux chances de sortir le pays de la crise et d’y initier une vraie dynamique de démocratisation. Malheureusement, celle-ci a vite échoué et ce n’était pas par la seule faute du nouveau président, mais aussi par l’ingratitude d’un mouvement politique réactionnaire qui, aussitôt libéré de l’emprisonnement et de l’interdiction, a refusé de se plier aux lois civiles et s’est retourné contre son bienfaiteur en lui montant trois tentatives d’assassinat. N’empêche ! Le Sauveur applaudi a fini lui-même dans les rets des complots de familles et d’autres manigances, d’autres faiblesses aussi, et ladite « Révolution du Printemps Arabe » éclata d’un feu immense dont on avait trop vanté la lumière, oubliant sa nature de feu pouvant être destructeur et ravageur.
Il y a avait bien moyen de tirer profit de cette autre occasion pour redresser la déviation prise par le cours de l’Histoire nationale quant à sa logique progressiste, éclairée et d’intelligence médiane par rapport à toutes les extrêmes. Hélas, c’est encore l’opportunisme politique et l’individualisme égocentrique qui ont repris la commande des événements et qui ont chauffé une marmite spéciale pour ceux qui auraient été les « Damnés du passé » et qui n’ont cherché qu’à se faire compenser et récompenser pour un militantisme qu’ils avaient bien choisi comme leur façon de s’affirmer et qui n’était pas nécessairement le fruit ou la synthèse d’une intelligence populaire libre et responsable, même s’ils font tout encore pour le défendre comme tel.
Au final, c’est un autre échec et une autre occasion ratée dont les conséquences désastreuses ont de loin dépassé, en nombre et en intensité, toutes les gaffes et tous les dérapages des prédécesseurs dont on prétend redresser les torts et corriger les déformations. Au capital alors, on a juste le crédit d’une « Décennie Noire », dans un tunnel dont on ne voit, ni ne soupçonne même, l’issue. Pourtant, le hasard, objectif peut-être, a offert une autre chance, inouïe, a-t-il semblé, quand, à l’occasion d’un anniversaire de la République, une décision courageuse et aventureuse a fait agir le président de la République en vue de trois grands objectifs essentiels, d’intérêt vital pour le pays et ses citoyens, contre l’avarie et la félonie de la politique politicienne quand elle fait défaut au bon rôle qui lui est dévolu. Ces trois objectifs sont : écarter (et au besoin juger) les mauvais gestionnaires des affaires publiques, les destructeurs et les comploteurs contre l’Etat et son peuple ; imaginer une sortie de transition pour remette en fonction une démocratie d’intérêt commun et non une prétendue démocratie monnayable à volonté pour servir des clans ou des individus ; relancer la dynamique de développement intégral, tous secteurs confondus et fédérer l’énergie populaire autour de ce projet global de vraie transition vers un meilleur avenir et un meilleur vivre-ensemble.
Hélas, là encore, on voit bien que la chance est en train de s’effriter et son ratage, cette fois, serait désastreux ! Disons-le, encore, ce ratage pressenti, presque annoncé, est de la responsabilité de tous. Tous ceux qui prétendent détenir la vérité, contre les autres. Tous ceux qui, par la grâce d’une piètre rhétorique et de ridicules simagrées, se prennent pour des messies prédestinés. Mais aussi, tous ceux qui se sentent concernés et qui se cramponnent dans un isolement passif et une indifférence caractérisée.
A tous, il serait bon de siffler l’ultime fin de partie pour rappeler que, la chance ratée, cette fois, c’est peut-être toute la patrie qui s’en irait en fumée !
(Publié aussi sur: jawharafm.net)