La caractéristique principale de la vie politique, depuis 2011, semble être la logique du bras de fer. Ce jeu, politiquement dangereux malgré l’idée de démocratie qu’il donne l’illusion de défendre, n’est sans doute pas étranger à la situation gravement détériorée de la Tunisie, apparemment en chute libre vers la faillite dans l’absolue inconscience de ceux qui ont en main son destin.
Mais de tous les bras de fer en compétition, celui entre l’UGGT et le Président de la République est sans doute le plus spectaculaire, mais aussi le plus chargé de lourdes et désastreuses conséquences. Il ne s’agit nullement, ici, de donner raison ou tort à l’un ou l’autre des adversaires, ainsi entendus même à demi-mot, à un moment où ils auraient dû se situer et agir en tant que partenaires, malgré, grâce même, à leurs différences, voire leurs divergences, attestées. Devant le danger imminent, un compromis est non seulement possible, mais nécessaire. C’est une question de vie ou de mort.
Aucune des parties engagées dans ce jeu de bras de fer ne cherche à s’interroger sur le bienfondé ou non de son action et de sa vision des choses. Chacune cherche à accuser la partie en face et à l’accuser de tous les torts, alors que tout le monde est responsable, chacun ayant peu ou prou une part incontestable dans l’aggravation de la crise où nous sommes. Il suffirait d’un sérieux et sincère examen de conscience pour s’arrêter sur tous les devoirs manqués et sur toutes les contributions non consenties, pour découvrir également ce que l’entêtement politique peut engendrer en termes d’aveuglement et d’insensibilité à la douleur et au désarroi d’une société qui va droit sur la perte de ses repères et de son énergie solidaire.
A ce propos, je préfère ne pas m’attarder sur les partis politiques qui, en une décennie, ont donné la preuve de leur incompétence à penser un bel avenir pour notre pays et à œuvrer pour y parvenir, aussi relativement et aussi progressivement que cela se devrait et que cela serait possible. Je parle d’un côté d’une présidence jouissant d’une plateforme élective très réconfortante, mais ne songeant pas à la consolider par le recours régulier au fondement essentiel de la démocratie, la conversation, la vraie, ni biaisée ni simulée. D’un autre côté, il y a l’UGTT au capital historique honorable et au rôle incontestable dans la voie à tracer pour l’avenir. L’organisation agit-elle, ces derniers temps, dans le sens d’une facilitation du chemin vers l’avenir requis ainsi que de la mise en lumière des repères qui l’éclairent ? Il y a bien lieu d’en douter en voyant avec quelle facilité et avec quelle précipitation elle use de moyens, pourtant légitimes, dont les conséquences sur l’économie du pays sont catastrophiques et dont l’impact sur les conditions et les interactions sociales nécessitera plusieurs sacrifices et retardera encore plus, et encore plus gravement, toute éventualité d’une juste et heureuse issue de la crise.
La présidence semble trop obsédée par sa seule façon de voir les choses qui commence à paraître davantage comme un montage théâtral que comme une opération chirurgicale. L’UGTT semble trop entêtée à s’affirmer en tant que partenaire incontournable et décideur dans ce qui est à entreprendre et que de ce fait, elle a les moyens qu’il faut pour exercer son pouvoir. Pourtant, des occasions se sont créées pour un échange constructif entre les deux principales parties de la gestion de la situation présente, si l’on accepte de marginaliser, au moins pour un temps de la transition, la politique partisane tellement elle fomente les conflits au lieu d’en réduire les flambées.
Saura-t-on donc prendre vraiment conscience, et à temps, du danger qui menace notre pays et ses citoyens ? Osons y croire, malgré l’absence d’indices prometteurs ! Sinon, ce sera l’éternel bras de fer pour l’enfer.