Malgré mon amour et mon intérêt pour le cinéma depuis ma prime enfance, j’avoue n’avoir pas eu à regarder de près les résultats de la commission d’encouragement à la production cinématographique avant l’année 2019 au cours de laquelle j’ai siégé dans cette commission. J’ai pu constater alors la délicatesse de la tâche, surtout avec le budget de quatre millions de dinars alloué à cette opération.
J’ai pu apprécier également combien les membres d’une telle commission sont souvent pris entre l’enclume et le marteau, obligés parfois à voir écarter un projet auquel ils croient parce que la majorité des membres, fût-elle très relative, a opté pour un autre. J’ai vu également la tension qui peut parfois caractériser les débats, du fait de la divergence des perspectives, de la différence des opinions, voire même du fossé qui sépare parfois la vision sociétale sous-jacente à ces opinions et à ces perspectives.
Quelques jours avant la proclamation des résultats de la commission de 2021, j’ai rencontré par hasard Sonia Chamkhi et, de fil en aiguille, je l’ai interrogée sur son film, Le Testament d’Hannah (“وصيّة آنا”), qui avait obtenu une aide à l’écriture dans notre commission de 2019. Elle m’a alors répondu avec une terrible désolation, dénotant une blessure profonde, que son film n’avait pas été retenu pour bénéficier de l’aide à sa production, malgré l’aide à l’écriture dont il avait bénéficié. L’information m’a été confirmée à la lecture du rapport de la publication suite à sa publication officielle. Je me suis souvenu alors que le projet a été bien apprécié par notre commission et qu’on y avait vu une intention évidente, aventureuse pourtant vu le contexte, de s’attaquer à des problèmes et des questions actuelles du point de vue de l’édification d’une société dans la culture de la tolérance et de l’acceptation de l’autre avec le respect de sa liberté à choisir ses appartenances. J’évite d’entrer dans le détail du récit dont est issu le scénario, et je garde l’espoir que le film verra le jour !
N’empêche que cet exemple soulèverait le problème de la coordination des différentes opérations du suivi d’un projet cinématographique ayant été jugé réalisable par l’octroi d’une première subvention d’encouragement. En me renseignant, à titre de curiosité, surtout pour comprendre et non pour critiquer, j’ai appris que l’écriture du scénario a été suivie avec attention et rigueur par deux membres de la première commission qui ont donné un avis très favorable au résultat obtenu au terme de l’écriture du scénario et qui ont surtout soutenu, encouragé et approuvé une légère transformation, proposée par l’auteure et acceptée par les deux « encadrants ». Pourtant, c’est, semble-t-il, cette transformation qui aurait présidé à la décision de refuser la subvention au film. Or, quand on prend connaissance du texte final, on est en droit de se demander si cette raison n’en cache pas une autre, d’ordre idéologique, voire de positionnement subjectif en faveur d’une vision sociétale contre une autre.
Force est donc de rappeler que l’art est un espace de liberté créatrice et qu’un arbitrage administratif ou institutionnel le concernant doit laisser de côté, autant que possible, les considérations conflictuelles d’ordre cultuel, politique ou civilisationnel. En effet, une œuvre littéraire ou cinématographique présente certes une vue de l’esprit et exprime même des sentiments qui ne sont pas sans rapport à une certaine idée de la société, cela est de l’ordre de la liberté d’expression et de création. Mais l’arbitrage institutionnel doit respecter cette liberté, dans la différence, la divergence même de ses produits si elle défend un projet de société démocratique. Autrement, il faudra un cahier de charges de ce qu’il faut dire et ne pas dire, montrer et ne pas montrer, comme c’est le cas dans toutes les dictatures qui s’assument en tant que telles.
(Publié aussi par jawharafm.net)
Je suis contre ce système de sélection qui ouvre les portes à toutes les dérives !
Un processus non transparent qui devrait subir une réforme…🎬