J’ai voté pour vous, car comme Nabil Karoui était votre seul concurrent, le choix n’était pas difficile à faire pour moi. J’ai voté pour vous parce que je vous croyais et vous crois toujours honnête et sincère ; j’espérais en même temps que vous reflétiez un peu mon image, celle du Tunisien moderne, ambitieux, aspirant à un avenir meilleur, voulant se comparer aux meilleurs de ce monde, et même rivalisant avec eux. Pourquoi pas ? Les Carthaginois n’étaient-ils pas les meilleurs !
Hélas, Monsieur le Président, votre plume et votre encrier d’un autre âge m’ont dérouté, malgré votre belle écriture. Ce n’est pas là un détail, mais le fond des choses. Car que veut dire s’attacher à un usage « scripturaire » ancestral propre aux livres saints, en usage chez les notaires et les fuqaha’ d’antan, sinon vouloir s’attacher au moins à un aspect d’un passé révolu. On ne peut plus revenir en arrière, comme on ne plus utiliser le papyrus ou le parchemin, c’est fini, sauf dans les pièces de théâtre et au cinéma…
Pourtant, vous n’avez pas un âge avancé auquel cette posture renverrait, étant né en 1958, mon cadet de 7 ans (je m’en rends compte maintenant) ! Avec cette lettre vous risquez de ne pas refléter l’image de l’universitaire respectueux que vous êtes. En cette qualité, vous savez comme moi, que l’ordinateur est l’outil de travail de base, et nous exigeons de nos étudiants en DEA et de nos doctorants sa possession et sa maîtrise. Vous savez certainement aussi que nous faisons usage avec nos étudiants et nos collègues de vidéo-skype, de visio-conférence, de webinar etc. C’est le monde du bouton, du virtuel (qui a ses inconvénients, certes, mais il est devenu incontournable !), du clavier électronique, même les signatures peuvent désormais se faire virtuellement.
Votre réponse au CDG n’est pas personnelle, que je sache, elle est celle du président, elle aurait donc pu (due) être saisie sur ordinateur, c’est plus rapide, surtout pour un président qui n’a pas beaucoup de temps à perdre à calligraphier ses lettres. Le temps est précieux. J’aimerais que vous donniez aux citoyens que nous sommes, à nos enfants et nos petits enfants, l’image d’un président pratique, up to date, avec un ordinateur sur son bureau (utilisé pourtant par un président qui se veut moderne !). Vous savez certainement que nos petits enfants et nos écoliers n’ont jamais connu la plume, ni l’encrier, en vous voyant écrire cette lettre, ils n’y comprendront rien et ne peuvent s’identifier à vous ; ailleurs, dans les pays développés, les écoliers en sont à l’ipad, les nôtres suivront, bientôt, j’espère.
Monsieur le Président, donnez-nous l’image d’un président qui nous ressemble et qui ressemble à notre époque. Donnez-nous l’espoir d’être le président que nous avons toujours souhaité et souhaitons qu’il soit pour notre pays, au moins pour les trois ans et demi à venir… Attachez-vous au fond des choses et non à leur forme, qui n’est qu’un détail, superflu. Allez à l’essentiel.
Avec mes respects.
Nabil Kallala, citoyen tunisien du 21e siècle.