Le nombre de nos jeunes docteurs au chômage est entre 4500 et 5000. Plusieurs sont en sit-in permanent dans le parking du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, depuis plusieurs mois, dans de mauvaises conditions ; d’autres ont entamé une grève de la faim, depuis le 11 janvier, dans les locaux dudit ministère. Ils ont eu droit à la visite du président de la République, qui tout sincère qu’il est, n’a pu que leur vendre de l’espoir, leur demandant de lui préparer un projet global sur le système d’enseignement universitaire et toutes les solutions possibles ! Mais aucun mot à l’adresse des hauts responsables du Ministère, bizarrement absents lors de sa visite. Etait-ce dans le sillage de son fameux slogan : le peuple veut, sauf que dans ce cas au moins, même s’il veut, il ne peut !
Les députés leur font de leur côté la sourde oreille, occupés qu’ils sont par des niaiseries sans fins, toutefois une petite réunion eut lieu avec la commission de la jeunesse et de l’éducation. Question de leur relever le moral, sans plus. On n’a pas entendu paradoxalement les deux syndicats de l’enseignement supérieur prendre leur défense, répercuter leurs doléances, ou au moins leur rendre visite ( en espérant me tromper). C’est que nos docteurs ne sont pas les enfants du Kamour ou des juges pour qu’on les écoute. Ils n’ont pas de vannes à fermer ! J’allais presque dire malheureusement pour eux.
Je ne veux pas évoquer tout l’effort consenti par eux pour arracher le diplôme de docteur tant convoité (et que nous prononçons le jour de la soutenance avec emphase et gravité !), ni les peines et sacrifices de leurs parents pour les soutenir financièrement et moralement pendant de longues années, animés par l’espoir de la réussite et de la gloire de leurs enfants. Ma peine à moi, en tant qu’universitaire et directeur de thèses, est de voir mes étudiants augmenter les rangs des chômeurs (et j’en ai pas mal). En cours de préparation, il arrive de voir mes doctorants se remettre en cause et vouloir abandonner, d’ailleurs, pas mal abandonnent en cours de chemin. C’est un véritable cauchemar.
Certes, il n’y pas de solution miracle, le budget du Ministère n’est augmenté cette année que de 2,57% (cela donne une certaine idée du manque d’intérêt de l’Etat pour ce département), ce qui explique le peu de postes ouverts chaque année. Et l’on se demande par la suite pourquoi nos enfants cherchent-ils à quitter le bercail ! Néanmoins, il existe, à mon humble avis, des solutions -parmi d’autres -pour peu qu’on ait le courage d’y penser et de les prendre :
– La première s’adresse à mes collègues pour leur demander de ne plus prendre d’heures supplémentaires, qui se comptent par milliers, aux fins de dégager des besoins de recrutement réels. Le syndicat peut aider à cela, ce n’est pas le Ministère qui le ferait, car tout le monde sait que les heures sup lui coûtent moins budgétairement que les recrutements.
– La deuxième concerne les rectorats, les écoles doctorales et les laboratoires de recherche pour leur demander de proposer davantage de contrats de recherches en post doc, sachant que la plupart des laboratoires ne le font pas, alors que c’est grâce aux étudiants que leur budget augmente avec le volume de la masse critique.
– La troisième est sur le long terme : j’invite les départements à revoir certaines formations doctorales à faible niveau d’employabilité, pour ne laisser ou ne créer que les DEA et Doctorats qui sont les plus en vue sur le marché de l’emploi. Dans les pays avancés, les DEA sont créés pour des besoins précis et pour un temps déterminé, ils ne sont pas éternels, comme chez nous.
Ce papier se veut être un cri d’alarme, en guise de soutien à nos étudiants, avec l’espoir qu’un débat national s’engage sur une question essentielle, d’avenir. C’est aussi, faut-il le rappeler, une question de droit socio- professionnel et de dignité, comme le stipule notre fameuse constitution !
Nabil KALLALA, professeur émérite d’histoire et d’archéologie antiques, Université de Tunis.
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