Le poète Jalal El Mokh vient de publier un nouveau recueil de poésie intitulé « Pour que personne n’usurpe ta couronne», paru aux Editions « Dar Thakafa ». A vrai dire, un ancien recueil du même auteur, paru en 2014, portait le même titre, quoique le contenu soit différent. C’est peut-être par souci de continuité et pour des raisons relevant d’un choix personnel que notre poète a jugé bon de garder le même titre. Qu’à cela ne tienne ! Le présent recueil aurait pu porter un autre titre, ou du moins porter la mention « Tome II »
Le recueil comprend 16 poèmes foisonnant d’images évocatrices et de belles métaphores que le poète a su filer avec une imagination débordante et un style fort précieux où le lecteur, plongé dans l’univers intérieur du poète, se laisse entrainer comme dans une épreuve mystique, en quête de la vérité du monde.
Nous nous bornerons à la présentation de quelques-uns que nous jugeons les plus significatifs. Disons, de prime abord, que les figures mythiques et légendaires occupent une position centrale dans la poésie de Jalal El Mokh, c’est qu’il les considère comme une source intarissable d’inspiration et de suggestion. La mythologie gréco-latine a toujours nourri l’imaginaire de notre poète dans la quasi-totalité de sa poésie. En s’appropriant ici la destinée bouleversante ou tragique de personnages issus de la mythologie carthaginoise, le poète met en scène à la fois ses amours et ses tourments pour cette cité antique, tout en regrettant le passé glorieux de Carthage. Dans ce poème épique « Des livres de Carthage » qui chante les exploits de personnages historiques ou mythologiques, sous la forme d’un long poème narratif, on y rencontre les noms des personnages légendaires d’Alyssa, Hasdrubal, Salammbô, Sophonisbe, « Tanit »…
Le deuxième poème qui attire l’attention, c’est « Syrena » où il est question de la légende d’Ulysse et les sirènes. Un poème qui met en relief, une des aventures du chef de guerre grec en Méditerranée où le destin le met en face des Sirènes, ces créatures mi- femme, mi-poisson, à la voix douce et enchanteresse, qui provoque la mort à tous les marins qui passent près de leur île. Ulysse usa de sa ruse, un stratagème de guerre, pour passer devant ces créatures sans danger. Dans le poème Jalal El Mokh nous fait vivre l’aventure d’Ulysse qui s’adresse audacieusement vers ces sirènes en leur faisant des éloges et les prier de lui chanter une chanson de leur belle voix suave. Intrépidité ? Folie ? Mais Ulysse obtint, grâce à son audace, ce qu’il désirait sans le moindre mal.
Dans le poème intitulé « Poème parisien » Jalal El Mokh s’intéresse à la ville des lumières en citant tour à tour ses illustres figures littéraires et artistiques, de Rimbaud à Verlaine, en passant par Molière, Voltaire, Corneille et Racine et en finissant par Brel, Brassens et Piaf . Mais aussi en admirant ses lieux archéologiques et architecturaux, comme les Champs Elysées, la Tour de Triomphe, Notre-Dame, la Tour Eiffel, le Musée de Louvres, la Seine, le Jardin de Luxembourg… , le poète fait le tour d’horizon de tout Paris en quête de sa dulcinée, Catherine, qu’il a perdue de vue depuis longtemps. Tous ces éléments font l’objet d’un « poème parisien » lyrique où notre poète exprime sa nostalgie pour cette ville qui semble perdre ses attraits d’antan.
Jalal El Mokh, relate dans un long poème intitulé : « Simon le kairouanais » la légende de Simon de Cyrène pour mettre en relief certaines valeurs humaines, à savoir la gêne et la douleur devant les souffrances des autres, le courage, l’assistance des damnés, le partage du destin et des malheurs. Ainsi tout le monde peut coopérer dans l’amour et le bonheur de l’humanité. En voici le récit : Simon de Cyrène croise sur son chemin un triste spectacle d’un chrétien condamné à porter le fardeau de la Croix, souffrant et muet. Le devoir de Cyrène consiste à l’assister et partager ce lourd fardeau avec lui. Moralité : en aidant ce chrétien à porter sa propre croix, nous obtenons le salut et nous pouvons nous-mêmes contribuer au salut du monde.
Toutefois, on trouve dans ce nouveau recueil des hommages rendus aux amis du poète qui sont déjà partis mais qui ont laissé un souvenir agréable à jamais gravé dans la mémoire. Deux poèmes sont dédiés à deux hommes militants, chacun dans son domaine, à savoir feu Mohamed Jouou et feu Ridha Souli.
Hechmi KHALLADI