En prévision d’un voyage d’agrément, j’ai l’autre jour cherché et retrouvé chez moi un appareil photo tout neuf acheté en février 2015 mais que nous n’avons jamais utilisé! Il nous a coûté à l’époque 349 dinars. C’est que, depuis cette date, nous n’avons pas eu vraiment besoin de l’utiliser. Nous nous prenons rarement en photo, d’une part, et de l’autre, le téléphone portable, muni chez chacun de nous d’un appareil pour filmer et photographier, nous en a jusque-là épargné l’usage. Si bien que nous ne savions même plus où, à la maison, nous avions enterré l’appareil digital chèrement payé. Pire encore, aujourd’hui que nous l’avons déniché, nous ignorons s’il fonctionne normalement après 7 années d’abandon. Pour en avoir le cœur net, je vais ce matin le ramener au même photographe qui me l’a vendu en…2015 !
Qu’est-ce que 2015 paraît loin, perçu sous l’angle des progrès technologiques réalisés et publiquement généralisés en seulement 7 ans!!! Notre appareil photo de marque n’était déjà plus d’époque à la date où nous l’avons acquis, surclassé qu’il était par le caméscope. Les photographes eux-mêmes n’utilisaient plus que des caméras-vidéos pour les cérémonies familiales. Il fut un temps pourtant où posséder un appareil photo pendu à son cou faisait un genre en public. On aimait se montrer avec ces engins sophistiqués de plus en plus miniaturisés.
En Tunisie, et dans le monde aussi, il y avait des photographes partout. Chez nous, le pays en comptait plusieurs centaines. LE PHOTOGRAPHE était une personnalité connue dans sa ville et là où il allait. Il avait son STUDIO et ses grandes archives de photos souvenirs : aux côtés d’un Président, d’un Ministre, d’un chanteur ou d’une chanteuse connus, d’un sportif célèbre, etc. Certains photographes ont inscrit leurs noms dans la mémoire collective des Tunisiens : ainsi en est-il de feus Béchir Mannoubi et Habib Hamima. On n’oubliera pas de sitôt le studio Guyse au Colisée et le non moins célèbre studio d’Al Masri rue du Caire et sous les Arcades Avenue de France, le Photomaton de la rue Charles de Gaulle. Il y avait aussi les photographes “mobiles” de l’Avenue Habib Bourguiba, du Belvédère, du Jardin du Passage, du Stade d’El Menzah !
Aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques dizaines à tenir boutique à travers le pays. On a désormais recours à leurs services uniquement pour des photos de passeport ou de carte d’identité, sinon pour des…photocopies ! Le métier se meurt depuis que chaque Tunisien est devenu son propre photographe grâce au téléphone portable. Les photographes qui se disent “professionnels” n’ont pas d’enseigne particulière. Ce ne sont d’ailleurs pas des photographes de métier, mais des amateurs qui à leurs heures libres se font des sous dans les fêtes de familles et à n’importe quelle autre occasion. Quelquefois, le photographe d’un mariage est lui-même le chanteur-danseur-traiteur de ce même mariage !
Ceux qui ont leurs semblants de studios particuliers ne s’adaptent que médiocrement aux nouvelles technologies qui les concernent. Ils ne savent pas tout faire avec l’ordinateur. Ils ignorent parfois comment agrandir convenablement un portrait. L’autre jour, c’est une jeune lycéenne familière de Bluetooth qui a secouru mon photographe pour le transfert et l’agrandissement d’une photo prise par téléphone ! Inutile de vous décrire leurs “boutiques” qu’ils osent appeler studios : ce sont des débarras, des cagibis-débarras !
Revenons à mon appareil photo et souhaitons ensemble qu’il soit toujours en bon état ! Qui sait ? Un jour, peut-être, moi-même je me convertirais à l’art de la photographie !