Par Mansour M’henni
Le 22 novembre 2024, suite à une réunion d’urgence du comité directeur de l’Union des écrivains tunisiens (UET), ce dernier a publié un communiqué mi-figue, mi-raisin concernant un différend récemment déclaré avec le ministère de tutelle qui vient de sommer l’UET d’évacuer le local exploité, dans un délai d’un mois, pour sa restitution en tant que domaine de l’État. En effet, d’un côté, l’association manifeste un discours fermement revendicatif, de l’autre, elle tient un langage ouvert à la conciliation et à la bonne entente. Il est dit aussi que l’Union s’apprêtait à l’acquisition du local en question de la part du ministère des Domaines de l’Etat, suite à une demande soumise par l’ancien comité de l’UET.
Il est évident que plusieurs dessous du problème ne sont pas assez développés et qu’il y aurait, dans les détails omis, des choses à expliquer et à débattre, de différents points de vue pour parvenir à une situation viable et surtout régulière.
D’abord, le plus plausible, c’est que le ministère de tutelle (alias ministère de la Culture) ne peut pas avoir décidé de cette mesure d’évacuation du local, sur un simple coup de tête. Par ailleurs, ce même ministère a normalement la tutelle des écrivains et non de leur local si ce dernier n’est pas officiellement à la charge du ministère de la Culture. Il y a donc lieu de justifier la procédure entreprise par ce qui semble relever d’une « nouvelle politique de rationalisation et de régularisation de la gestion des propriétés de l’État », ce qui, en soi, constitue une noble initiative. Et de ce point de vue, l’Union des écrivains ayant un statut juridique associatif, l’objectif visé serait alors de faire la différence entre la propriété légale et la mise à la disposition bénévole à titre de soutien et d’encouragement d’une composante de la société civile.
D’ailleurs, la démarche engagée par l’ancien comité de l’UET pour l’acquisition officielle du local semble émaner d’une prévision de l’imminence d’une démarche de sa délocalisation. Là aussi, il faut vérifier si, du point de vue strictement juridique, l’appropriation de fait du local, après un certain nombre d’années, peut revenir de droit à l’occupant du local. Sinon, la solution est à trouver ailleurs qu’en termes de droit acquis. Dès lors, c’est une question socio-politique qui se pose, en rapport surtout à la vie associative.
Il faut bien avouer que, ces derniers temps, une vraie campagne est menée contre certaines associations, en raison de certaines suspicions les concernant. Cependant, ce qui est regrettable, c’est de voir cette suspicion localisée et localisable se transformer en pare-chocs permettant à l’État de foncer droit sur le tissu associatif dans son ensemble et de compromettre son apport vital pour la société, surtout en matière de culture. On a pu le constater à la complexité exténuante imposée aux associations culturelles, en matière de documents à fournir régulièrement et en quantité déraisonnable, pour des demandes de subventions négligeables. Oui pour l’assainissement de nos procédures, mais sans les bâtons dans les roues des structures qui ne cherchent à agir que pour le bien commun et pour le rayonnement de notre image de marque.
C’est pourquoi nous apprécions le côté souple et conciliant du communiqué de l’Union des écrivains et sa proposition d’une réunion de conversation constructive autour de cette situation à résoudre non en tant que conflit, mais en tant que malentendu à même de trouver une bonne issue dans le langage de la raison, sans pour autant enfreindre la loi. Cette démarche est celle qui nous paraît la plus indiquée pour une politique d’assainissement des procédures sans annihiler l’engagement civil ni la conscience citoyenne.