Cheb Mami en majesté au Festival International de Hammamet : un retour triomphal du Prince du Raï
Le 8 août 2025 restera une date mémorable dans l’histoire de la 59ᵉ édition du Festival International de Hammamet. Ce soir-là, la scène mythique de l’amphithéâtre a accueilli l’un des plus grands noms de la musique maghrébine : Cheb Mami.
Annoncé depuis plusieurs semaines, l’événement affichait complet plus d’un mois avant la date fatidique. Les fans, venus de tout le pays et même de l’étranger, n’ont pas hésité à patienter des heures à l’entrée, certains dès le milieu de l’après-midi, pour s’assurer une place au plus près de la scène. À la tombée de la nuit, les gradins étaient comble, l’ambiance électrique, et l’impatience palpable.
Une icône qui traverse les générations
Cheb Mami, star incontestée des années 80 et 90, n’est pas seulement une figure historique du Raï : il en est l’un des artisans majeurs. Ses chansons, à la fois enracinées dans la tradition algérienne et ouvertes aux sonorités du monde, ont fait voyager cette musique au-delà des frontières du Maghreb.
Originaire de Saïda, au sud d’Oran, où il est né en 1966, Cheb Mami connaît un tournant décisif en 1986 lors de sa participation au Festival de Marseille, devenant l’une des figures majeures du raï. Premier chanteur de raï à enregistrer un album en France, il ouvre la voie à toute une génération d’artistes. Sa carrière internationale se nourrit de collaborations prestigieuses avec Sting, Zucchero ou encore Samira Saïd, tout en conservant un style unique mêlant rythmes orientaux et sonorités occidentales, fusionnant l’âme populaire avec une dimension mondiale.
Avec des titres comme Au Pays des merveilles (Azwaw), Cheikh ou Rani maàk El Youm, il a marqué toute une génération, mais son influence dépasse largement ce cadre. Aujourd’hui encore, ses mélodies résonnent dans les fêtes, les mariages et les playlists des jeunes amateurs de musique, preuve d’une œuvre intemporelle.
Un début de concert chaleureux et complice
Sur scène, le Prince du Raï a fait son entrée avec un sourire franc et une salutation qui en dit long sur sa proximité avec son public : « 1, 2, 3, Viva l’Algérie » et « Wesh » lancés avec enthousiasme. Habillé simplement, loin des artifices, il mise sur l’essentiel : sa voix, toujours aussi vibrante, et sa présence scénique magnétique.
L’artiste a soigneusement sélectionné son répertoire pour le public tunisien, débutant avec « Azwaw », avant d’enchaîner avec Let Me Cry, Ma Vie 2 Fois, Lazrag et Madanite. La soirée se poursuit avec Meli-Meli A, Tzae-Tzae et Koum Tara, suivis de moments d’émotion avec Douha et Bladi. Le tempo s’accélère à nouveau avec Mamazareh, puis Haoulou et Fatma, offrant un équilibre subtil entre énergie festive et instants nostalgiques.
Les premières notes résonnent et la foule reprend en chœur. Cheb Mami alterne entre grands succès et morceaux plus intimes, créant un équilibre entre énergie et émotion. Après quatre titres phares interprétés en algérien, il surprend son audience avec une reprise inattendue : Jari Ya Hamouda, classique tunisien qui fait instantanément danser toute la salle. Dans un éclat de rire, il précise : « C’était un intermède, un extrait pour vous faire plaisir, c’est tout », avant de replonger dans son propre répertoire.
Le Raï, modernisé et universel
Cheb Mami n’est pas qu’un interprète talentueux : il est aussi un innovateur. Il a su moderniser le Raï, en l’enrichissant de nouvelles orchestrations, de textes profonds et d’une musicalité universelle. Ses chansons parlent d’amour sous toutes ses formes — l’amour passionné, l’amour perdu, l’amour des racines, et celui des origines.
Ce concert n’a pas seulement été l’occasion d’écouter ses plus grands succès, mais aussi de vivre une expérience de retrouvailles avec un artiste ayant marqué la mémoire musicale collective. Alternant classiques intemporels et morceaux ayant consolidé sa renommée mondiale, Cheb Mami démontre qu’il sait préserver et renouveler son public, tout en conservant la force de sa voix et de son message.
Cette capacité à unir tradition et modernité lui a permis de conquérir un public mondial, tout en restant profondément attaché à son identité culturelle. Dans un monde où les genres musicaux évoluent rapidement, Cheb Mami reste fidèle à l’essence du Raï, tout en lui insufflant une fraîcheur qui séduit les nouvelles générations.
Après quarante-cinq années de carrière, Cheb Mami reste, sans conteste, le prince du raï qui ne vieillit pas. Cette soirée fut une célébration de la mémoire commune de milliers de fans ayant grandi au rythme du raï, un véritable pont entre la Tunisie et l’Algérie, entre le raï traditionnel et son esprit moderne, entre la nostalgie du passé et les aspirations du présent.
Un public fidèle et pluriel
Chaque concert au Festival International de Hammamet attire un public différent. Celui de Cheb Mami est unique : composé d’anciens fans ayant grandi avec sa musique, mais aussi de jeunes curieux venus découvrir l’artiste dont leurs parents parlent avec émotion. Les gradins étaient ainsi le reflet d’un mélange de cultures, d’âges et d’horizons, tous unis par une même passion pour ses chansons.
Tout au long de la soirée, les spectateurs ont accompagné l’artiste, chantant les paroles mot par mot. L’amphithéâtre, avec ses pierres chargées d’histoire, a résonné comme un chœur géant, donnant au concert une dimension presque intemporelle.
Après avoir enchaîné ses plus grands succès, Cheb Mami a quitté la scène discrètement, saluant le public d’un « Au revoir » simple mais chargé d’émotion. Ce départ soudain, presque furtif, a laissé les spectateurs sur une impression particulière : celle d’avoir assisté à un moment rare, intense, qui ne se reproduit pas souvent.
Le concert, tel une rétrospective musicale, a offert un voyage dans la carrière de l’artiste, jalonnée de triomphes et de mélodies devenues emblématiques.
Prochain rendez-vous : hommage à la chanson française
La 59ᵉ édition du FIH continue sur sa lancée. Ce soir, la scène accueillera Sinfonica, un hommage vibrant à la chanson française et à ses grands classiques. Le chanteur Philippe Cavaillé, connu pour ses interprétations de Charles Aznavour, partagera l’affiche avec la talentueuse tunisienne Zeineb Oueslati. Tous deux seront accompagnés par un orchestre dirigé par le maestro Jihed Jbara, promettant une soirée où émotion et élégance se mêleront.
Entre tradition maghrébine et variété française, le Festival International de Hammamet prouve encore une fois qu’il est un carrefour culturel incontournable.
Rim Khalifa
Hammamet 08 AOÛT 2025