Notre chronique précédente sur la réforme du système éducatif a suscité l’intérêt de certains collègues et amis avec lesquels des conversations ont été engagées en rapport à l’université. On peut donc inscrire la présente chronique dans le prolongement de la conclusion de la précédente quant à « d’autres remarques plus ponctuelles [qui suivraient] au fur et à mesure de l’évolution du processus de réforme ». Un constat de départ a été souligné dans nos conversations évoquées ci-dessus : la carence en ressources d’encadrement à l’université suite au départ à la retraite de plusieurs collègues du collège A.
Au passage, je rappellerais volontiers une remarque précédemment conduite dans mes chroniques pour insister sur la méprise à vouloir imposer – syndicalement – la promotion automatique contre les dossiers scientifique et pédagogique exigés dans la formule en cours dont l’objectif est de maintenir l’enseignant du supérieur en implication et en engagement dans la dynamique pédagogique et de recherche. En effet, c’est par cette logique de transmission et de succession – qui n’est pas simple opération d’imitation, mais surtout un contexte d’interrogation et de réflexion – que se développe et évolue la logique de l’école, au sens large, et se construit une vraie culture citoyenne.
Aujourd’hui, dans des facultés et des instituts censés « faire école » de par leur histoire, certains départements se retrouvent avec à peine deux collègues du collège A dont chacun peut se voir attribuer une quinzaine d’heures d’enseignement, pour un dû de cinq heures ! Par acquis de conscience, ces enseignants acceptent malgré le sacrifice que cela leur coûte, surtout qu’ils ne peuvent même pas être payés pour toutes les heures supplémentaires qu’ils assurent. Comment s’étonner alors si, deux semaines ou presque après la rentrée, les salles et les amphis sont presque vides ?
Cela nous amène à soulever encore la question de l’encadrement. Le ministère pousse vers le dépassement de la formule des unités de recherche pour les laboratoires de recherche ? Noble initiative à condition de lui assurer les conditions de faisabilité : les conditions budgétaires et infrastructurelles évidemment, mais surtout les conditions en ressources humaines. La question est donc, pour une part du problème : « Comment envisager au moins un laboratoire par discipline dans chaque université (ce qui est vraiment misérable) si le nombre d’enseignants du collègue A ne suffit même pas à en faire la moitié ? » Que dire alors lorsque certaines spécificités imposent des orientations de recherche assez variées, dans la logique de l’interdisciplinarité et de la complémentarité interactive ?
À ce propos, un constat n’a pas manqué de susciter l’étonnement et même le désagrément, celui se rapportant au profit que le secteur peut tirer de la révision du statut des professeurs émérites et que l’administration ne semble pas encore très portée à l’évoquer même, que dire donc à y œuvrer efficacement ! On peut se limiter ici à une seule remarque liée à l’implication de ces compétences confirmées – dossiers scientifiques à l’appui – dans les structures de recherche : il est stipulé que les professeurs émérites ne sont pas à compter dans le nombre requis de collègues du collège A pour la constitution, pour la transformation ou pour la reconduction d’une structure de recherche ! Sauf tout respect dû à nos décideurs, n’y a-t-il pas là une aberration certaine ? Comment s’étonner alors si certains collègues de cette catégorie rompent leurs liens avec leur établissement pour aller s’occuper ailleurs ?
D’expérience, nos collaborations avec d’autres universités d’autres pays nous ont permis de voir s’impliquer et s’activer dans leurs universités respectives des collègues restés efficaces et productifs jusqu’à un âge très avancé et jusqu’à leur décès même. C’est que dans ces pays, le professeur émérite l’est pour la vie et son statut lui permet de s’impliquer profondément dans la dynamique pédagogique et de recherche. C’est d’autant plus favorable à l’établissement qu’on ne lui doit pas un salaire autre que son indemnité de retraite. J’ai encore en mémoire feu Raymond Renard qui a œuvré à l’Université de Mons (Belgique) jusqu’à sa mort, à l’âge de 94 ans. À le voir agir, il y avait de quoi donner des complexes à certains jeunes ! Mais son établissement et ses collègues ont tiré profit jusqu’au bout de son expérience et de son savoir, au niveau national et sur le plan international.
À bon entendeur…