Plus de deux ans après sa dernière exposition, l’artiste-peintre Samir Fitouri revient dans cette nouvelle exposition avec de belles toiles récemment produites qui se tient actuellement à la Galerie des Arts de la Maison de la Culture de Mornag. Cet artiste chevronné, diplômé de l’Ecole Supérieure des beaux-arts de Paris en 1975 et de l’Académie Royale des beaux-arts de Liège en 1978, a organisé plusieurs expositions personnelles et collectives en Tunisie et à l’étranger. Il fut le fondateur et le secrétaire général de la Fédération Tunisienne des Arts Plastiques et le président de l’Association Tunisienne des Arts et Métiers.
Disons de prime abord que cette exposition est un mélange de plusieurs genres ((paysage, nature morte, nu, portrait, scène quotidienne) où le peintre s’est créé un style de peinture tout à fait personnel qui consiste à transformer la réalité statique en réalité dynamique. C’est le réalisme spontané dans la mesure où il capture la réalité directement sur la toile à l’aide de croquis ou de dessins et, à coups de pinceau libres, naturels et instinctifs, il fait apparaitre ce qui est dissimulé derrière cette réalité. Ses couleurs sont généralement chaudes (bleu, rouge, noir) avec des taches de lumière blanches qui surgissent çà et là sur la toile.
Parmi les 22 tableaux exposés, on distingue des formats variés dont la dimension dépasse parfois 200 cm/ 120 cm où les techniques utilisées sont variées : tantôt il emploie l’acrylique tantôt l’huile sur toile. Quant aux thèmes, ils sont multiples : plusieurs titres donnés aux tableaux nous rappellent certaines chansons ou des proverbes bien de chez nous, comme « Hraier Tounes », « Laaneb Fi Lyali »,« Khoudhou Ini Choufou Biha », « Nadhra Min Inik Teshirni », « Cheddouha Lettih Elteli »…
La peinture de Samir Fitouri oscille entre le figuratif et l’abstrait, mais son style devient carrément figuratif quand il s’agit de brosser un portrait de personnages, d’un paysage ou d’un lieu déterminé. Qu’ils soient abstraits ou figuratifs, les tableaux invitent toujours à l’interprétation et au rêve. Dans ce portrait intitulé « Nadhra Min Ineik Teshirni », qui montre le visage d’une jeune fille où les yeux sont mis en relief : des yeux de biche au regard doux et tendre, signe d’attirance et de séduction. Vue de profil, cette jeune fille semble tourner ses yeux légèrement vers la gauche comme pour se fixer sur quelqu’un ou quelque chose. Il en est de même pour ce splendide portrait de femme noire, intitulé « Ettarguia », où toutes les parties du visage sont visibles excepté les cheveux car la tête est drapée dans un fichu multicolore. Au front et au menton, on peut remarquer ces tatouages qui rappellent les femmes rurales ou bédouines. Loin de tout préjugé racial, le peintre a voulu montrer cette jeune femme comme une femme libre, forte et douée d’une grande sensibilité.
Un autre aspect caractérise cette exposition, c’est que l’artiste semble très attaché à sa ville natale : Hammam-Lif. Il nous présente des tableaux empreints d’une bouffée de nostalgie, représentant différents lieux de cette ville. On peut citer « L’autorail » qui arrive à l’ancienne gare ou « Toumoubil », cette ancienne Traction qui circulait en ville dans les années d’antan, ou encore ce tableau intitulé « Hammam-Lif des années 20 » où l’on voit ces maisons aux tuiles rouges, ces réverbères suspendus et ces arbres verts bordant la rue principale où l’on voit quelques piétons en costume traditionnel ou en habit occidental (allusion faite aux colons français qui habitaient la ville d’Hammam-Lif à l’époque). De même, sa ville natale lui a inspiré cette toile « Diar Essaboun », actuellement appelé « Houmt Essaboun », ce quartier côtier où l’on voit ces vieux bâtiments au bord de la mer et ces petits bateaux accostés sur le rivage avec dans le ciel ces albatros qui planent sur une mer bleue. Tous ces tableaux portent des couleurs vives et contrastées et sont minutieusement travaillés.
La nature morte est présente aussi dans cette exposition, des tableaux comme « Brayej Dellaâ » où l’on voit ce grand morceau de pastèque avec d’autres fruits de saison qui rappellent l’été chez nous. Le tableau intitulé « Laâneb Filyali », qui rappelle un proverbe bien de chez nous, fait montrer de jolies grappes de raisins aux couleurs quasi naturelles jetées pêle-mêle autour d’une cruche d’eau ronde, ce qui pourrait stimuler l’appétit chez le visiteur. On admire également cette nature morte « El Bakraj » qui représente un service de thé, cet ustensile omniprésent dans tous les foyers, composé d’une cruche à anse en poterie colorée avec tout autour des tasses en porcelaine, et enfin « El Khir Mbazaâ » qui représente un couffin artisanal en alfa pleins de variétés de pommes et tout près une assiette blanche garnie de belles dattes aux couleurs brunes et claires qu’on brûlerait d’envie de prendre et manger !
Ce qui fait aussi la nouveauté dans les travaux exposés, ce sont les tableaux peints en trois dimensions. On peut contempler au moins trois tableaux : « Oum essafsari », « Attahaddi », « Fdaoui » et « Serha Bahriya ». Et c’est peut-être là que réside l’originalité de l’artiste et son style distinctif.
Hechmi KHALLADI